Fin janvier, lors de ses vœux aux acteurs de la Santé, le Président de la République proposait un nouveau pacte avec la médecine de ville. Parmi les outils attendus pour libérer du temps médical et d’améliorer l’accès aux soins figurait la proposition de loi (PPL) relative à « l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé », portée par la députée du Loiret et rapporteure générale de la Commission des Affaires Sociales, Stéphanie RIST.
Cette PPL était censée être ambitieuse et efficace. Or, quelques mois plus tard, son texte initial est vidé de sa substance après avoir été amendé par le Sénat et la Commission Mixte Paritaire (CMP). Le compromis qui en est issu est un véritable recul par rapport à l’ambition originelle du texte et ne répond pas à son objet primitif : faciliter l’accès aux soins par une amélioration visible.
Il ne répond pas non plus, aux enjeux actuels de notre système de santé en grande difficulté. Au lieu d’amplifier la dynamique suscitée par la première Loi RIST et les mesures Braun de cet été, ce nouveau texte n’aura qu’un effet cosmétique.
En effet, la version finale du projet de la loi restreint l’accès direct aux 3% de kinésithérapeutes exerçant en Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP), ce qui rendra le dispositif illisible pour les patients. Il limite cet accès à seulement 8 séances (inférieur au référentiel HAS sur l’entorse de cheville). Ce consensus de la CMP relevant de la symbolique, l’engorgement des services d’urgences hospitaliers et des cabinets médicaux en ville va donc s’aggraver.
Cette orientation, fruit d’un corporatisme archaïque, ne prend pas en compte l'ère du numérique en santé ni les possibilités de coordination offertes par les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS). Et, au lieu de tirer les conséquences de l’échec des protocoles de coopération concernant la lombalgie et de la torsion de cheville en accès direct par les kinésithérapeutes, les pouvoirs publics s’obstinent. Le périmètre de cette expérimentation ayant été limité aux seules MSP, moins de 50 patients sur l'ensemble du territoire national avaient pu bénéficier de ce dispositif de prise en charge !
Le manque d'ambition du gouvernement sur le transfert de certaines missions médicales aux autres professionnels de santé, dont les kinésithérapeutes, a déjà été dénoncé dans le rapport de l'IGAS 2021-092R de Février 2022 relatif à l’« Expérimentation de l’accès direct aux actes de masso-kinésithérapie ». Pourtant, l’amélioration de l’accès aux soins et les économies de santé pointé par le rapport IGAS seraient d’autant plus importants que 81% des Français ont un kinésithérapeute dans la commune où ils habitent, et que le temps moyen nécessaire pour se rendre au cabinet d’un kinésithérapeute est inférieur à 15 minutes pour 100% des Français.
La FFMKR remercie les députés qui l’ont aidé à faire valoir ses arguments, et considère que le texte final issu du compromis est une occasion manquée. Il condamne au statu quo des services d'urgences hospitaliers déjà surchargés et fragilisés par les démissions et abandons de carrière. En outre, il pousse une part des usagers à se diriger vers les « médecines alternatives » aux pratiques non scientifiques, souvent en proie aux dérives sectaires.
La FFMKR reste à la disposition du Gouvernement pour construire les voies et moyens alternatifs permettant la mobilisation du potentiel des kinésithérapeutes libéraux en accès direct… lorsque la confiance sera réellement au rendez-vous.